La série intitulée « 87, rue de l’Alma » est une lente déambulation dans une maison de famille, avant la démolition programmée par la Ville de Rennes. La série est d’abord un état du lieu au présent, elle déploie un inventaire des pièces de la maison et des objets abandonnés. Peu à peu, les images glissent vers l’observation minutieuse des détails ordinaires qui constituent le souvenir de manière diffuse, ceux auxquels on ne prête pas attention et qui contiennent pourtant toute une mémoire. La série se constitue en trois heures, dans l’urgence de garder en images tout ce qui peut l’être. Les traces d’un passé révolu remplissent l’espace, l’absence résonne et dessine en creux le portrait de la grand-mère disparue.
Sur la dernière image : une branche du mimosa du jardin en fleur offerte à Alexandre, un ami résidant au n° 81, est photographiée chez lui.
« Je suis allée faire quelques images hier, au 87, plus de maison mais le cerisier trône au milieu du jardin. Bizarre, un jardin...sans maison! Je me demandais ce que ça ferait qu'il n'y ait plus rien, et j'ai été surprise: en fait, le volume autrefois occupé reste visible, comme un cube de verre transparent. On ne voit plus que ça: ce qui était là. Et le sol qui apparaît, toute cette étendue de terre marron qui colle sous les pieds, renvoie finalement plus à l'origine qu'à une fin. Sentiment d'apaisement. Je suis allée jusqu'au fond du jardin, une nouvelle perspective donne à voir l'immeuble d'en face autrefois caché par la maison. L'effet de réalité dont nous parlions l'autre jour est presque hallucinatoire...»
Début de l'exposition le 2 novembre 2012.
Série de 20 tirages argentiques contrecollés sur aluminium, formats 50 x 75, 30 x 45, 18 x 27 cm.
Il inclut la projection d'une vidéo tournée par Ouest-France en juillet 2012, au moment de la démolition du toit de la maison en vue de l'expulsion d'une famille roumaine. Filmés sur le trottoir, leurs affaires en vrac, les membres de la famille déplorent la démolition de leur maison.
Un échange de mails avec Mardi Noir est mis à la disposition du public. Cet artiste rennais intervient in situ sur les façades des maisons murées. Rencontré quelques semaines auparavant, il m'avait adressé un dossier de photos de la maison de ma grand-mère, des images qu'ils réalisait depuis près de deux ans.
Un mail adressé à Alexandre Koutchevsky, un ami auteur, figure dans l'exposition, suite à la démolition totale.
Une image du ceriser sur le terrain vague, réalisée la veille de l'exposition, est affichée, impression jet d'encre "maison" sur papier canson.
"87, rue de l'Alma" n'est pas seulement une adresse, mais le carrefour de plusieurs trajectoires, artistiques et politiques.